…ou comment faire ramasser les crottes de chien ?
(oui vous le verrez, dans cet article, il sera pas mal question de caca. C’est un fil rouge qui nous tient à cœur 😉
Chez Orignal communication, on travaille régulièrement sur des campagnes de sensibilisation. C’est un type de communication que nous aimons particulièrement car nous abordons des sujets qui nous concernent tous et qui contribuent au mieux vivre ensemble, voire même au développement de la société ou du territoire.
Ce genre de campagne demande une certaine créativité pour attirer l’attention dans un premier temps, pour susciter une émotion et déclencher un changement de comportement.
Qu’est-ce qu’on entend par campagne de sensibilisation ?
Il s’agit de communiquer dans le but de faire prendre conscience d’un problème et dont l’objectif est d’impulser une action ou de changer les comportements.
Généralement, ces campagnes sont initiées par des collectivités sur des faits d’intérêts publics :
- mettre en place des gestes barrières,
- expliquer les risques de consommation de tabac ou d’alcool,
- inciter à bien trier ses déchets,
- alerter sur les effets d’une canicule,
- valoriser les bons comportements sur la route…
Le milieu associatif est également un acteur très présent sur cette thématique :
- les violences conjugales,
- le réchauffement climatique,
- la discrimination…
Les entreprises s’emparent également du sujet avec des campagnes de communication internes ou plus rarement externes, ce qui leur permet d’affirmer leur engagement pour une cause.
Quel ton employer ?
En communication, le ton détermine l’approche de la campagne. Si on remonte sur les bancs de l’école, c’est un des éléments-clés de la “copy stratégie”, ce qui va provoquer une émotion. Le ton, c’est la manière dont va parler la campagne au(x) public(s) visé(s), et détermine la relation entre les 2 entités. Il doit à la fois être crédible et impactant. Si une marque plutôt lisse amorce un ton provocant pour créer le buzz, on aura plus la sensation de malaise si ce n’est pas assumé et si ça ne correspond pas à l’ADN du porteur du message.
En communication, l’enjeu est donc de sortir du lot tout en étant cohérent et en faisant sens.
Nous nous basons sur les briefs clients. Presque systématiquement nous retrouvons les mentions suivantes :
- “nous voulons une communication non culpabilisante”, “non moralisatrice”,
- ou encore “ne pas être agressif”, “être positif”, “un ton humoristique serait apprécié”…
- Ces dernières années, les orientations vers une communication engageante sont de plus en plus présentes.
À titres d’exemples, voici un petit panorama de tons différents appliqués sur notre fil rouge préféré : les crottes !
(campagnes repérées sur le Web + une campagne réalisée par Orignal, à vous de deviner laquelle 😉
Positif :
Souvent dans cette approche, on nous montre le bon geste et non les conséquences de l’incivilité. On peut se poser la question de l’impact et de l’identification des mauvais comportements.
Testimonial :
Cette approche est régulièrement utilisée. Elle permet de représenter toutes les catégories de la population, cela favorise l’identification et évite de stigmatiser un seul profil d’habitant.
Collectif :
L’axe collectif a pour avantage de valoriser les agents d’entretien également. Une collectivité nous a fait part de retours terrains d’administrés qui jugent normal que les agents nettoient derrière eux, “car ils sont payés pour”. De notre côté, nous croyons tout de même à la force du collectif, il faut dans ce cas, représenter un groupe auquel on a envie d’appartenir. Nous sommes sur l’idéalisation de notre place dans la société.
Culpabilisateur :
Globalement, ce ton est souvent souligné dans les cahiers des charges comme une approche que veulent éviter les collectivités. Car quand on pointe un défaut, la première réaction peut être le déni ou la défensive. Le citoyen peut prendre le message comme une agression et lorsque la colère ou la vexation prennent le pas sur les émotions, il est difficile de faire appel à la raison.
Dénonciateur :
Le ton dénonciateur peut être interprété de différentes façons selon le traitement graphique. Ici, il est accompagné d’une note humoristique. De plus, le traitement est illustratif. Il n’y a donc pas d’identification possible. Cela permet de décrédibiliser le mauvais comportement. On renvoie la personne à quelqu’un à qui on n’a pas envie de s’identifier.
Allégorique :
Généralement, ce ton fonctionne bien. Il favorise une prise de conscience. En revanche, cela active moins les leviers du changement de comportement.
Menaçant :
Cette approche fonctionne uniquement si elle est clairement assumée par toutes les parties prenantes : élus mais aussi agents sur le terrain…
D’un point de vue comportement, quel est l’effet sur le long terme ? Le changement de comportement est durable si le levier est interne à la personne, qu’il y trouve un bénéfice.
Décalé :
Cette approche est souvent plébiscitée. Outre le fait que ça attire, il est souvent mieux perçu de faire passer un message sous un trait léger. Attention à ce que le message reste compréhensible et à ne pas trop dédramatiser un sujet sérieux.
Trash :
Cela a l’avantage d’attirer l’attention, de faire parler. Idéal si on recherche le buzz par exemple. Il faut que cela soit assumé et que le message ne passe pas à la trappe. Autre exemple, le trash est beaucoup utilisé dans les campagnes pour dénoncer la maltraitance animale. Combien d’entre vous ne regardent même pas l’image ou ferment la fenêtre pour ne pas voir l’horreur de certaines images ?
Responsable :
On utilise un ton plus adulte. Le message est clair. Mais est-ce un levier interpellant ?
Qu’est-ce qui fonctionne le mieux ?
Il n’y a pas de recette magique. Chaque brief et contexte sont différents. Dans notre approche, nous tenons compte de deux facteurs :
1 – S’assurer que le public visé soit réceptif au message
Lorsque l’on cherche à sensibiliser et changer les comportements, il est intéressant de s’appuyer sur les sciences comportementales, aux processus psychosociaux.
Nous ne sommes pas des spécialistes mais nous nous intéressons fortement à la question et avons déjà fait appel à des partenaires spécialisés en communication engageante et nudge comme Mickaël Dupré (enseignant-chercheur, formateur et consultant en conduite du changement et nudge environnementaux) pour nous accompagner sur certains projets (tri des déchets, sensibilisation aux éco-gestes…).
Les éléments ci-dessous sont issus de ses travaux :
Pour travailler sur les motivations, il faut proposer des concepts et messages qui véhiculent des émotions positives, jouent sur la valorisation sociale, recherchent la récompense individuelle pour un effet bénéfique durable. La motivation individuelle est un levier efficace car nous sommes dans une démarche de responsabilisation de l’individu, de son propre arbitre. C’est une décision qu’il prend, seul et qui le positionne dans la société. Inversement, le collectif a tendance à déresponsabiliser : “je ne suis qu’une goutte d’eau dans la masse, donc si je n’agis pas, ça n’aura pas de conséquence”. Ou encore, “les autres feront à ma place”.
Nous allons dédier un article sur le Nudge, mais voici déjà quelques leviers à activer :
- favoriser le sentiment de liberté, que la personne se dise qu’elle a le choix d’opérer tel ou tel changement.
- pour cela, éviter les injonctions comme “Ramassez les crottes de votre chien”.
- éviter la contrainte comme brandir la menace d’une amende.
- préférer le levier de la norme sociale, montrer des gens à qui on voudrait ressembler
- montrer l’exemplarité
- donner le maximum d’informations pour avoir le sentiment de maîtriser un sujet (je connais le problème, les solutions, le feedback… en gros, je comprends pour agir).
2 – S’assurer que le client s’approprie le message
Nous l’avons vu, le ton doit correspondre à la personnalité de l’émetteur. En tenant compte des personnes qui seront sur le terrain également. Nous pouvons par exemple avoir des agents d’entretien prêts à porter une campagne provocante car ils subissent quotidiennement les désagréments sur le terrain, mais avoir des chargés de communication plus « frileux » car ils anticipent les retombées sur les réseaux sociaux par exemple. Les élus peuvent également avoir une autre vision plus politique et modérer un message.
L’important est de construire la campagne avec les différentes parties prenantes pour optimiser l’adhésion de tous au projet.
Comment voit-on les choses à Orignal ?
De notre côté, nous avons un goût prononcé pour les campagnes humoristiques et décalées, et compte-tenu des retours de nos clients, nous savons qu’elles interpellent et qu’elles font parler (soit parce que ça a réagi sur les réseaux sociaux, soit parce que les agents, élus, techniciens ont directement été interpellé sur la campagne).
Nous estimons également que le ton trop gentil ou infantilisant n’a plus beaucoup d’impact.
Selon les campagnes et selon le dispositif, nous faisons le choix de montrer soit l’incivilité, soit le bon geste. Dans tous les cas, si nous représentons uniquement l’incivilité, nous faisons attention à apporter des éléments de solutions dans les supports complémentaires.
Nous arrivons à la fin de cet article qui présente notre regard, notre expérience sur ce type de communication. Toujours avides d’enrichir nos propos, n’hésitez pas à nous faire part de votre avis.
Soit en tant qu’initiateur d’une campagne de sensibilisation :
- Quel(s) levier(s) avez-vous activés et quel ton avez-vous employé ?
- Quels ont été les retours ?
- Avez-vous perçu des changements de comportements ?
Soit en tant que citoyens :
- Comment interagissez-vous aux campagnes de communication ?
- Qu’est-ce qui vous interpelle ?
- Quel ton ou quel style de message vous freinent ou n’ont aucun effet sur vous ?
Le mot de la fin à Cersei, qui aurait dû ramasser la crotte de son chien… et oui, à Port Real, le ton est plutôt autoritaire, castrateur et impitoyable ! 🙂
Voici quelques cas pratiques sur des campagnes de propreté urbaine :
Autres campagnes de sensibilisation :